dimanche 3 juillet 2011

Nouveaux rappels à l'ordre du CSFM

Après une page entière de reproches parus dans le Figaro sur la politique de défense, voici que le conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), parfois décrit par bien des militaires eux-mêmes comme une simple chambre d'enregistrement, se rebiffe à son tour devant son ministre.
"Scandaleuse"
Son avis et la communiqué diffusés à l'issue de la séance pleinière, qui s'est tenue le mois dernier, ne sont visibles que depuis hier : leur lecture, ici, est particulièrement instructive. Par delà des termes bien choisis, on mesure l'exaspération qui perdure chez les militaires sur les questions de remboursements de frais. Le CSFM lâche un mot, "scandaleuse", pour décrire la situation rencontrée par les militaires aux situations les plus fragiles -et il y en a-. Elle l'est d'autant plus qu'elle avait déjà fait l'objet des remarques d'au moins un précédent CSFM.
Ce qui amène au deuxième pôle revendicatif du CSFM -classé en premier, dans son texte-, lui aussi déjà évoqué lors du précédent : le rayonnement insuffisant de l'engagement opérationnel, par la faute des médias, et de fait, de la Défense elle-même. "Les militaires attendent de la Nation davantage de reconnaissance. Ils l’attendent des médias et de la société civile à l’égard des sacrifices de nos camarades, morts et blessés dans l’accomplissement de leur mission au profit de la défense de leurs
concitoyens et des intérêts supérieurs de la Nation" écrit le Conseil.
"Il y a trois mois déjà..."
Pour croiser assez régulièrement des militaires, ce sujet de la reconnaissance figure en effet en permanence dans les conversations que l'on a avec eux : je peux donc le confirmer, le CSFM n'invente rien. Et d'ailleurs, il enfonce le clou : " Il y a trois mois déjà, le Conseil vous avait demandé d’agir pour la mémoire de nos camarades et vous y aviez été sensible en promettant la création d’un monument à la mémoire des morts en opérations".
En trois mois, le CSFM a donc développé sa propre plate-forme de mesures concrètes dans lequel je retiens plusieurs points comme "systématiser l’attribution d’emplois réservés aux militaires blessés dans l’accomplissement de leurs missions ou à leurs conjoints" -une piste déjà évoquée sur ce blog qui m'a valu quelques quolibets- et "Dynamiser le lien Armées-Nation par l’instauration d’une journée dédiée à la mémoire des militaires morts ou blessés dans l’accomplissement de leurs mission". Un sujet qui n'avance pas bien vite.
De fait, la ré-évocation du sujet par le CSFM sous-entend qu'il n'a pas vu beaucoup de mesures produites par ses interlocuteurs.
Décalage
D'autres propositions, pas forcément absurdes, me semblent néanmoins assez décalées de la réalité, comme "Mettre davantage l’accent, lors des journées Défense-citoyenneté, sur le service de la France par les armes et mieux sensibiliser les jeunes aux sacrifices des militaires". La durée des JDC étant par nature bien trop brève pour pouvoir faire toucher du doigt aux jeunes de telles dimensions. Que des politiques, qui, ont plus du temps disponible, n'ont pas forcément intégré non plus.
De la même façon, "Inciter (obliger) les médias télévisuels publics à diffuser une information plus
exhaustive et plus fréquente pour mieux honorer les morts et blessés en mission opérationnelle" me semble proprement irréalisable. On comprend bien l'idée, qui est d'éviter que la cérémonie d'honneurs militaires à un mort en opérations ne soit traité à 20h39 -TF1, vendredi soir-.
C'est mal connaître la presse, par ailleurs, de penser qu'en obligeant le résultat sera forcément meilleur. Comme partout, un brin d'éducation devrait avoir de meilleurs résultats.
Sans compter que les développements sont parfois complexes. Contrairement à ce qui se fait dans bien d'autres pays, il n'est pas quasiment pas possible, en France, d'évoquer la mémoire d'un soldat avec ses camarades (1) pour écrire un papier qui dépasse le simple CV. Comme on dit, la balle est donc plutôt dans le camp de l'armée sur ce point, contrairement à ce que peut en penser le CSFM. Un journaliste se cantonne aux faits : sans accès aux faits, il ne peut donc, c'est une évidence, rien produire (2).
Dans la même logique, l'armée elle-même ne communique pas systématiquement : j'ai bien cherché, mais rien, sur le site internet du ministère, qui recense pourtant avec abnégation tout ce qui touche les armées, ne signale l'accident (3) qui a coûté la vie, au Sénégal, à un officier du 1er Spahis, et de graves blessures à deux autres (rapatriés en France, deux autres sont plus légèrement touché). Une cérémonie doit avoir lieu, à Valence, mardi, en l'honneur de ce capitaine.
Le CSFM évoque aussi des pistes de réflexions : "Garantir la prise en charge totale des soins et des démarches administratives des blessés ou tués en missions", "Honorer mieux et davantage les services rendus par les militaires notamment par l’attribution de décorations", "Ne plus permettre le rapatriement dans un quasi-anonymat des corps de nos camarades tués au combat".
Des sujets graves qui demandent, on l'aura compris, des réponses rapides, cette fois-ci, de la Défense.

(1) je me souviens notamment des difficultés, à une époque qui n'est pas si lointaine, que je rencontrais pour récupérer ne serait-ce que le CV de militaires morts à l'étranger.
(2) Je dirai même, que les médias sont souvent suivistes des politiques : quand ces derniers auront remis la défense sur leur agenda, la presse suivra les politiques là où ils iront.
(3) même si le sujet est différent, rien sur ce site, n'évoque non plus les atteintes au quartier du 8e RPIMa, cette semaine, dans la nuit de mercredi à jeudi Ce n'est pourtant pas tous les jours qu'on attaque un camp de l'armée de terre.